La dernière session de la Chambre de l’agriculture de la Haute-Marne a été l’occasion de parler ruralité, territoire et élevage. Le Conseil départemental était représenté par Laurent Gouverneur, vice-président à l’Environnement et au Tourisme.

« L’agriculture et la ruralité sont au cœur des préoccupations du Conseil départemental de la Haute-Marne ».  Selon Laurent Gouverneur, vice-président à l’Environnement et au Tourisme, le Département multiplie les interventions dans ces domaines. Il pense à l’abattoir qui va être construit, au développement des circuits courts avec Agrilocal, aux Assises de l’eau, à la protection des espaces naturels sensibles, au Salon international de l’agriculture…

Dans cette logique, Laurent Gouverneur était l’un des invités du débat autour « des trajectoires et des prospectives des territoires ruraux » organisé par la Chambre d’agriculture de la Haute-Marne. Alain Boulard, le président de celle de l’Aube, évoque la question du territoire dans les évolutions actuelles de l’agriculture. Il y voit de multiples enjeux dont le premier et le plus important : le maintien de l’élevage et des grands volumes d’activité. Viennent ensuite la qualité, la diversification, l’énergie, l’économie touristique et forestière.

Une agriculture ancrée sur le territoire

Sébastien Windsor, le président des Chambres d’agriculture France, estime que la chance de l’agriculture française est d’être implantée et visible sur tous les territoires car, « en termes de chiffres, elle a tendance à disparaître des radars ». En France, le monde agricole représente 1,3 % de la population, 1,2 % pour la Haute-Marne et 1,1 % pour l’Aube.

Il en profite pour attirer l’attention sur la déprise en élevage avec – 3 % en 2022 et encore – 3 % pour ce début d’année 2023. Il s’inquiète pour le devenir des laiteries et de la filière. Il en est ainsi pour le secteur de la viande bovine avec la baisse de 8 % des abattages. Sébastien Windsor craint « une décroissance industrielle ».

Il met en parallèle le budget consacré à l’alimentation par les Français. Avant la crise sanitaire, il était de 17,3 % pour grimper à 19 % durant la Covid et redescendre à 16 % depuis la guerre en Ukraine et l’inflation. Il n’empêche. Sébastien Windsor le dit : « on ne peut pas regarder l’élevage se déliter. On ne peut pas subir et ne rien faire ». Il en profite pour signaler que miser tout sur les produits haut-de-gamme n’est pas une bonne stratégie. « Il faut des produits en entrée de gamme en France sous peine de s’éloigner de toute une catégorie de consommateurs ».

Changer l’image de l’élevage

Pour contrecarrer la déprise en élevage, Sébastien Windsor donne une série de solutions. Sachant que 70 % des éleveurs partiront à la retraite dans les 10 ans, il faudra, pour lui, aider les hors cadre familial à s’installer grâce au portage de capitaux. Il parle d’une « révolution à imaginer ».

Toujours pour lui, il faudra régler le problème des contraintes et des astreintes. « Il n’est plus question d’installer une seule personne avec 60 vaches laitières. Il faudra accepter des modèles avec des troupeaux plus grands avec deux ou trois associés et/ou deux ou trois salariés.

Le président des Chambres d’agriculture France estime aussi qu’il faut travailler autour de l’image de l’élevage en « positivant ». Pour limiter les attaques, il faut montrer les efforts effectués en matière de bien-être animal ainsi que tous les bienfaits de l’élevage comme une alimentation humaine de grande qualité, l’apport de produits carnés, la lutte contre l’érosion, l’absorption de carbone, les emplois disponibles…

Frédéric Thévenin

frederic.thevenin@haute-marne.fr

Pour Sébastien Riottot, « l’agriculture est une solution »

Président de la FDSEA Haute-Marne, Sébastien Riottot a signalé, durant la session de la Chambre d’agriculture, que la conjoncture agricole actuelle « va mieux ». Malgré tout, aussitôt, il s’inquiète : « depuis quelques années, nous connaissons des crises avec des conséquences sur l’agriculture mais nous avons continué à travailler. Aujourd’hui, alors que tout le monde met l’accent sur la souveraineté alimentaire, des signaux ne sont pas bons avec une tendance à empêcher les agriculteurs de produire ».

Sébastien Riottot s’interroge ainsi sur l’avenir des productions en donnant l’exemple du Bio dont le marché ne répond pas à l’offre ou, dans le conventionnel, les importations qui vont compenser la baisse des productions. Il résume : « ce serait dommage d’acheter à l’extérieur ce que l’on ne peut pas produire ». Il pense aux volailles, aux légumes, aux fruits, à la viande ovine et bovine et bientôt le lait avec la déprise laitière et le sucre avec la suppression de produits de santé végétale pour lutter contre les maladies.

Sébastien Riottot pousse un cri : « laissez-nous produire. Sinon, les conséquences pourraient être dramatiques ». Il demande que les moyens de production soient préservés et que les décideurs fassent preuve de pragmatisme. Il considère que « l’agriculture est une solution et non pas un problème ». 

« La Haute-Marne brillamment présente au Salon »

Marc Poulot, le président de la Chambre d’agriculture, soulève une série d’inquiétudes pour les agriculteurs :

  • le changement climatique et des ressources en eau aléatoires
  • la crise en Ukraine et l’évolution du prix des matières premières avec un effet ciseaux inquiétants entre la baisse des prix et la hausse des charges
  • la grippe aviaire qui touche les producteurs de foie gras
  • les retraits de produits de santé végétale qui contribuent à la « désagriculture de ce pays » et qui mettent à mal les filières
  • la 7e directive nitrate

Pour Marc Poulot, « malgré ces préoccupations, les défis des agriculteurs haut-marnais restent les mêmes comme nourrir la population, produire de l’énergie, travailler la diversité écologique, créer des conditions économiques et sociales satisfaisantes, se lancer dans la bioéconomie… » Il en profite pour remercier le Conseil départemental pour son implication, par exemple, au Salon de l’agriculture et ses 650 000 visiteurs. « La Haute-Marne y était brillamment présente prouvant encore l’attachement des Français et des Haut-Marnais à une agriculture vivante. »