Portées par le Département et la Préfecture de la Haute-Marne, les premières Assises de l’eau se sont déroulées ce 28 mars 2023, au centre culturel de Nogent. Face à plus de 300 maires, élus locaux et acteurs du territoire, un diagnostic autour des ressources et des besoins en eau a été dressé. Des groupes de travail seront constitués dans les semaines à venir afin d’aboutir à l’automne au « Pacte de Nogent » : un plan d’actions pour préserver l’eau en Haute-Marne.

« Sujet de la plus haute importance », « problème créateur de tensions géopolitiques », « enjeu qui s’impose à la France et à la Haute-Marne » : dans son discours d’ouverture, Anne-Marie Nédélec, maire de Nogent et vice-présidente du Conseil départemental, a posé les premiers jalons du diagnostic et lancé les premières Assises de l’eau organisée ce 28 mars par le Département et la Préfecture de la Haute-Marne.

Justement, Nicolas Lacroix, président du Conseil départemental, évoque « cette eau conçue comme une ressource inépuisable mais dont on mesure aujourd’hui la fragilité ». Il pense aux rivières asséchées de l’été dernier, à la navigation interrompue sur le canal « Entre Champagne et Bourgogne » et aux mesures de restrictions imposées aux Haut-Marnais alors que les paysages du département ont été façonné par l’eau et ses 4 400 km de cours d’eau.

Un défi majeur

Pour Nicolas Lacroix, « plus que jamais, la préservation de la ressource en eau doit être une priorité si nous voulons garantir sa disponibilité ». Il parle d’un défi majeur à relever en ce début de XXIe siècle. Quant à la démarche pour y parvenir, elle est résumée par le président du Conseil départemental. Il dit « croire en une écologie positive. Si nous voulons agir pour préserver l’eau et pour l’environnement, il faut le faire avec l’ensemble des acteurs concernés ». Au-delà des experts, il cite les industriels et les agriculteurs et présente les Assises de l’eau comme la première étape d’une action collective et d’une démarche de territoire qui part d’un diagnostic commun pour aller vers des solutions.

Pour cela, Nicolas Lacroix évoque le soutien de l’agriculture qui est « vital et indispensable pour la protection de notre patrimoine naturel », les acteurs forestiers qui ont un rôle crucial ou la protection des milieux naturels à laquelle participe le Conseil départemental grâce à l’accompagnement des collectivités dans la restauration des cours d’eau, des zones humides et à travers la lutte contre l’érosion des sols. 

Les maires en première ligne

Cette action autour de la préservation de l’eau passe aussi, pour Nicolas Lacroix, par « les maires qui sont en première ligne en tant que gestionnaires historiques des réseaux d’eau ». Préserver la ressource va avec le renouvellement du réseau vieillissant sachant qu’en moyenne, « pour 5 litres d’eau mis en distribution, c’est un litre d’eau qui est perdu dans la nature ».

Pour améliorer les rendements des réseaux et donc limiter la déperdition de l’eau potable, le Conseil départemental accompagne financièrement les communes et réfléchit à la création d’une « agence d’ingénierie ». 

Nicolas Lacroix estime enfin que « cette ambition pour l’eau en Haute-Marne, nous devons la porter tous ensemble et c’est bien l’objectifs de ces assises ». Il est rejoint en cela par Anne Cornet, préfète de la Haute-Marne qui veut, via ce « sujet crucial, bâtir collectivement l’avenir du territoire ».

Pour elle, alors que l’eau a construit la société et les territoires, il faut désormais la préserver. Elle parle de nouvelle donne contemporaine et remercie le Conseil départemental d’être partie prenante dans ce « nouveau départ » qui permettra de mettre en œuvre tout ce qui est nécessaire pour lutter contre la raréfaction de la ressource.

Anne Cornet caractérise l’eau comme « l’ADN du département ». Elle estime qu’il faut faire prospérer cet héritage. Les élus, professionnels et experts sont désormais invités à participer à des groupes de travail pour proposer des solutions concrètes qui seront déclinées dans une feuille de route et présentées au cours d’une seconde session de restitution en octobre 2023. Il s’agira du « Pacte de Nogent ».

Frédéric Thévenin

frederic.thevenin@haute-marne.fr

« Nous perdons nos eaux »

Invitée des Assises de l’eau, Emma Haziza est hydrologue internationale reconnue pour son expertise sur les conséquences environnementales du changement climatique. Son sujet : les impacts du changement climatique sur le cycle de l’eau.

Emma Haziza
Emma Haziza | Hydrologue

Alors que l’été 2023 se profile, elle revient sur 2022 avec une canicule précoce puis des vagues de chaleur pour aller vers une vague très tardive, en septembre. Elle parle de nouveaux paramètres en évoquant un automne sans pluie et surtout une anomalie thermique du 19 décembre au 2 janvier 2023 où la France était à 5,6 ° de plus que les moyennes ; chiffre comparable à la canicule d’août 2003. Son inquiétude est de constater que les anomalies de températures se transforme en tendance. Tendance qui observable depuis 2016.

Emma Haziza constate que « la France se transforme » et même que, selon deux études, « elle est le pays qui se réchauffe le plus vite au monde » du fait du réchauffement du bloc arctique et la perte des situations dépressionnaires qui amène la pluie. Elle résume : « nous perdons nos eaux et nous constatons avec effroi que l’eau au robinet est un luxe. C’était inimaginable en France ».

Des communes révèlent une vulnérabilité du fait de fuites sur les réseaux, des forages déficients et une qualité aléatoire.

Emma Haziza conclut : « en 2030, les besoins en eau dans le monde dépasseront de 40 % nos ressources. Il en va d’un bien commun à préserver. Après le défi de la qualité de l’eau, le défi sera celui de la quantité en jouant avec les cycles, en récupérant les eaux de pluie, en arrêtant d’imperméabiliser les sols, en la laissant s’infiltrer… L’humain doit se révéler. »

Quelques chiffres clés pour la Haute-Marne :

  • Sur les 5 dernières années, 4 étés les plus secs depuis 40 ans
  • – 5 % de pluies en été d’ici 2050 et – 10 à – 30 % d’ici 2100 (Estimation Région Grand Est)
  • 49 communes touchées depuis 2018 par des problèmes d’approvisionnement en eau
  • 80 % est la moyenne des rendements de réseaux des communes avec l’objectif de 85 %
  • 27 communes ont dépassé le seuil de potabilité en nitrates depuis 2013 (effet sécheresse)
  • 39 communes ont eu une eau non potable en 2022 au regard du paramètre phytosanitaire

Les rendements de réseaux, un élément clé pour maîtriser la ressource

Mathieu Vandaele, directeur de l’environnement et de l’ingénierie des territoires au Conseil départemental de la Haute-Marne, a dressé un état des lieux des rendements des réseaux des communes du département.

De 2015 à 2020, le rendement moyen s’est amélioré de 4 points en passant de 76 % à 80 % grâce à des surveillances accrues et des travaux sur les conduites. Les « mauvaises » communes qui ont un rendement de moins de 65 % sont passées de 25 % à 14,5 % sachant qu’elles sont prises en charge en premier lieu.

Si toutes les communes avaient au moins 85 % de rendement, le volume d’eau économisé serait de 1,17 million de m3 par an soit près de 10 000 foyers et 15 % des Haut-Marnais. Problème : 226 km de réseaux sont à renouveler pour un coût de plus de 45 millions d’euros. Et comme, chaque année, seuls 18 km sont refaits, il faudrait 15 années sans prendre en compte le vieillissement des réseaux.

Pour parvenir aux économies d’eau nécessaires, il faut donc avoir une gestion patrimoniale du réseau. Il passe par la connaissance notamment à travers les schémas directeurs eau potable.