Ce 18 juin, à Colombey-les-Deux-Eglises, la commémoration de l’Appel du 18 juin du Général de Gaulle s’est clôturée par le vernissage de l’exposition « Jean Moulin » au Mémorial. Proposée jusqu’au 15 novembre, cette exposition est réalisée dans le cadre du 80e anniversaire de la création du Conseil nationale de la Résistance mais aussi de la mort de ce héros de la Résistance.

Une matinée chargée d’Histoire et au nom du devoir de mémoire. Représentants de l’Etat, élus des collectivités et particuliers se sont réunis ce 18 juin, à Colombey-les-Deux-Eglises, pour la commémoration de l’Appel du 18 juin du Général de Gaulle.

Après le dépôt de gerbes par Anne Cornet, Préfète de la Haute-Marne, au cimetière, tous ont rejoint la Croix de Lorraine qui a été survolées par deux avions Rafales. Ils ont ensuite assisté à la lecture d’un poème écrit et lu par les élèves de CM2 de l’école « La Pommeraie » d’Epagny Metz Tessy (74) et celle de l’Appel du 18 juin par la Préfète.

Nicolas Lacroix en tant que Président du Mémorial Charles de Gaulle et Hervé Gaymard, Président de la Fondation Charles de Gaulle, ont alors procédé à un dépôt de gerbe ainsi que la Préfète accompagnée d’Olivier Brandouy, le recteur de l’Académie de Reims.

Une exposition jusqu’au 15 novembre

Cette année, cette commémoration a été complétée par le vernissage de l’exposition « Jean Moulin » qui sera accessible, au Mémorial, jusqu’au 15 novembre prochain. Selon Loïc Gigaud au service éducatif, « l’entrée de l’exposition est inspirée par l’entrée de Jean Moulin au Panthéon, en décembre 1964, avant un flashback qui invite les scolaires et les visiteurs à suivre en 10 étapes chronologiques des moments forts de sa vie ».

L’exposition met l’accent sur des lieux, des personnages clefs et des réalisations auxquelles Jean Moulin a prêté son concours. Ces 10 étapes sont présentées dans un circuit à sens unique pour simplifier le cheminement du visiteur (voir encadré).

Lors du vernissage, un vibrant hommage a été rendu à l’homme, au serviteur de l’Etat, au résistant qu’était Jean Moulin. Jean-Paul Grasset, Président de l’association nationale des amis de Jean Moulin, a évoqué ses différences avec le Général de Gaulle. « Ces deux hommes se sont compris malgré tout. Ils ont trouvé un sens de l’Etat commun ». Pour lui, Jean Moulin a organisé et unifié la Résistance et a fait du silence, après son arrestation par la Gestapo, « une valeur et une vertu ».

« Un homme incomparable »

Hervé Gaymard parle d’un homme incomparable et d’une trajectoire admirable avec comme point commun avec le Général de Gaulle de « ne jamais avoir désespérer » en citant Bernanos qui disait que « le désespoir est une sottise absolue ».

Pour Nicolas Lacroix, au moment des heures les plus sombres de la l’histoire de la France, « Jean Moulin a su unir des hommes de tous horizons animés par la volonté de redonner la liberté à notre pays ». Le 27 mai 1943, lors de la première réunion du Conseil national de la Résistance et dans la plus grande clandestinité, « il n’y avait plus d’homme de gauche ou de droite mais une seule et même organisation animée par une ambition transcendant toutes les divergences politiques au nom de la défense de la patrie et la libération du pays ».

Nicolas Lacroix rappelle que ces hommes, sous l’égide de Jean Moulin, ont défini ensemble des principes qui régissent encore la France : le suffrage universel, la sécurité sociale, la liberté de la presse…  Il poursuit : « au-delà de son œuvre pour unifier la Résistance, Jean Moulin incarne le modèle d’engament pour la défense des intérêts supérieurs de la Nation et la préservation des valeurs gravées dans le marbre de nos institutions ».

« Il n’y a pas de fatalité »

Pour Nicolas Lacroix, « son sacrifice n’est pas sans rappeler le dévouement profond de près d’un demi millions de résistants qui ont mené un combat acharné afin de redonner à la France son indépendance. Alors que notre pays est assailli de nombreux défis, sachons nous montrer dignes de leur sacrifice. Il n’y a pas de fatalité, pas de solutions miracles. Il n’y a que la volonté des hommes et des femmes fiers de leur passé, fiers de ce qu’ils sont, fiers de leur Pays qui surpassent les innombrables épreuves qui s’imposent à leur temps. L’un de ces hommes s’appelait Jean Moulin ».

Et de conclure : « au-delà de l’histoire individuelle du héros de la Résistance, cette exposition est un appel à l’action. Elle nous exhorte à ne pas rester silencieux face à l’injustice et à prendre part à la défense des valeurs fondamentales qui sont le socle de notre société. Que cette initiative suscite des réflexions profondes, des discussions passionnées et des actions concrètes. Et que Jean Moulin continue d’inspirer notre combat pour une France libre, souveraine et fraternelle ».

Frédéric Thévenin

frederic.thevenin@haute-marne.fr 

Les moments forts de la vie de Jean Moulin en 10 étapes

Il s’agit d’évoquer l’enfant, sa formation, l’influence paternelle, les lieux importants pour la famille : Béziers mais aussi Saint-Andiol. La mort du frère aîné ou les manifestations des viticulteurs héraultais devant la maison des Moulin marquent l’année 1907. 1917, l’obtention du baccalauréat signifie la fin de l’enfance.

Démobilisé en 1919, Jean Moulin retrouve son poste d’attaché de cabinet à la préfecture de Montpellier suivant en parallèle ses études de droit. C’est un tremplin vers la préfectorale qu’il intègre à Chambéry comme chef de cabinet du préfet de Savoie, en 1922. Les étapes de sa carrière brièvement rappelées, l’accent est mis sur le passage à la préfecture de Chartres et le terrible 17 juin 1940.

Novembre 1940, relevé de ses fonctions de préfet d’Eure-et-Loire, Jean Moulin enquête sur l’état de la résistance pour informer le général de Gaulle à Londres. Obtenir un passeport, un visa, mettre au point une couverture prennent du temps. Son voyage pour joindre le Général passe par l’Espagne et Lisbonne où, bloqué pendant cinq semaines, il rédige un rapport écrit-clef pour la suite. Enfin, une place se libère en octobre 1941 sur un hydravion Short de la ligne Lisbonne-Poole des Imperial Airways.

Arrivé à Poole (Dorset), Jean Moulin gagne Londres, encadré par le SOE (Special Operations Executive). Après un passage par Patriotic School où le contre-espionnage britannique l’interroge, il rencontre le général de Gaulle à Carlton Gardens, le 25 octobre 1941. Il se voit confier une double mission de financement de la propagande et de l’action militaire de trois mouvements de résistance. Le 24 décembre, Charles de Gaulle nomme Jean Moulin son représentant en France.

Pendant son séjour au Royaume-Uni, Jean Moulin connaît un parcours d’agent des services secrets : brevet de parachutiste, apprentissage du cryptage et décryptage des télégrammes. Il est parachuté dans les Alpilles avec deux agents à son service. La mission réserve des aléas, illustrant l’adaptation immédiate de Jean Moulin à sa nouvelle existence de résistant clandestin.

Devant se déplacer fréquemment à Lyon ou Paris, Jean Moulin fait l’acquisition d’une ancienne librairie à Nice, à la fin de 1942, pour en faire une galerie de peintures inaugurée le 9 février 1943. Il est aidé dans la gestion de cette galerie par deux femmes, Colette Pons et Antoinette Sachs. Les absences de Jean Moulin peuvent être couvertes au motif qu’il se rend chez d’autres galeristes, des artistes, des propriétaires d’œuvres d’art pour acheter des tableaux. C’est l’occasion de montrer l’artiste Jean Moulin, dessinateur de talent et connaisseur du monde des arts, fréquentant des cercles d’artistes comme en Bretagne lors de sa mission de sous-préfet de Châteaulin.

La sœur de Jean l’épaule dans ses missions de résistant. Tout en évitant d’exposer sa famille aux représailles, Jean Moulin confie à sa sœur des missions de confiance et la contacte régulièrement au domicile familial de Montpellier ; l’occasion de montrer ce logement dans une ville où Jean Moulin a fait ses études supérieures et où son plus célèbre portrait fut réalisé.

Alias Caracalla, un jeune Français libre de la première heure, est choisi par Jean Moulin pour le seconder et structurer son embryon d’administration clandestine. À Lyon où il devient un interlocuteur des résistants qui rencontrent régulièrement Jean Moulin, avant que celui-ci ne l’envoie organiser à Paris une structure similaire dans la zone nord de la France. Le subordonné s’attache à son mentor qui l’ouvre à la connaissance des arts.

27 mai 1943, 48 rue du Four, à Paris, se réunit le Conseil National de la Résistance pour la première fois. Grande œuvre de Jean Moulin provient d’une instruction du général de Gaulle du 21 février 1942. Composé de 17 membres, deux secrétaires et un président, Jean Moulin, il incarne l’unité de la Résistance sous l’égide de De Gaulle. Sa composition travaillée par Jean Moulin prouve, aux yeux des Alliés, l’attachement du général de Gaulle à la démocratie et son souci de large légitimité républicaine. Le CNR réclame d’ailleurs la constitution d’un gouvernement provisoire, dirigé par le général de Gaulle.

21 juin 1943, une importante réunion de résistants jouant un rôle militaire, a lieu dans l’agglomération lyonnaise. Elle est motivée notamment par l’arrestation du chef de l’Armée Secrète, le général Delestraint, à Paris, le 9 juin 1943. Jean Moulin l’apprend le 14 juin. Le 15, il écrit une lettre manuscrite au général de Gaulle pour l’informer de la gravité de la situation et de la nécessité de sauver l’Armée Secrète. Les services de sécurités nazis traquent sans relâche les résistants à Lyon et l’étau se resserre suite à des retournements d’agents. La maison et le cabinet du docteur Dugoujon, à Caluire, sont le théâtre de cette réunion interrompue avant d’avoir eu lieu par la police allemande. Jean Moulin devient la proie de ses bourreaux nazis de Lyon à la villa de Karl Bömelburg à Neuilly-sur-Seine.

Transféré agonisant en train de Paris en Allemagne, Jean Moulin décède probablement le 8 juillet 1943. Son corps a été déposé en gare de Francfort-sur-le-Main, avant de revenir à Paris via la gare de l’Est pour être incinéré à Paris le 9 juillet, au cimetière du Père Lachaise. C’est du Père Lachaise que les cendres de Jean Moulin gagnent la crypte des déportés le 18 décembre 1964 avant de rejoindre le Panthéon évoqué au début de l’exposition.